Les mots du bureau : « C’est dans le pipe. »Alexandre des Isnards - 27 septembre 2019

Le pipe n’est pas une pipe. C’est un tuyau. Et une expression bien pratique au bureau.

Cinquante-cinq emails non lus, l’iPhone qui vibre, une réunion dans 10 minutes … Vous avez trop de choses dans le processeur. Et bien sûr, c’est à ce moment-là que votre manager veut un point rapide sur les conséquences du changement de taux de la TVA. 

Rapide ? La demande vous oblige tout de même à rechercher quelques data clés, que vous n’avez pas sous la main. Alors, d’un air confiant et faussement détendu, vous lui répondez : « C’est dans le pipe. » La version hype de « c’est dans les tuyaux » Et ça fonctionne, votre boss repart l’esprit serein. Par email, ça marche aussi. Avec le smiley pour dédramatiser :

« C’est dans le pipe 🙂 ».

« C’est dans le pipe » permet d’esquiver dans la bonne humeur les points d’avancement incessants et chronophages. Prononcée à l’anglaise (« Païïïïpe »), cette notion de tuyau permet de rassurer sans avoir à apporter de précision. Comme le pétrole dans un pipeline, l’affaire suit son cours, mais rien n’indique son niveau d’avancement. 

Les commerciaux assurent toujours que leur pipe est plein, sous-entendu que les prospects se bousculent. Même si rien n’est signé. Les clients sont rassurés à coups de « c’est dans le pipe. » Même s’ils ne voient toujours rien venir. La formule magique leur suffit. 

Les entreprises performent mieux quand les pipes sont alignés vers des lendemains qui chantent.

Votre boss vous a quitté ravi, la direction commerciale voit son moral gonflé à bloc par l’optimisme des commerciaux, les clients au téléphone raccrochent satisfaits. Ils ne veulent surtout pas de détails opérationnels qui les impliqueraient. Mais juste s’assurer que les dossiers sensibles sont bien dans votre « to-do list ». Quand vous leur assurez « C’est dans le pipe », vous leur dites que « c’est prévu » ou « en cours », mais surtout que vous vous portez responsable. Traduction: si ça foire, c’est vous qui allez « au casse-pipe ». A prononcer à la française cette fois.

Chronique parue dans Management, avril 2004