Les mots du bureau : « C’est quoi ton input ? »Alexandre des Isnards - 12 septembre 2019

Un input est un apport. Mais pourquoi ne dit-on pas apport alors ? Explication.

Toute entreprise a toujours eu des inputs(des clous, des planches) et des outputs (des caisses en bois). Mais aujourd’hui, le terme est surtout connoté numérique et technique : un input est, au choix, une ligne de code (input type), une donnée (input data) ou un décalage d’affichage dans les jeux vidéo (input lag). Le terme assimile l’entreprise à une vaste base de données gérée par des systèmes d’information où tout input compte. Alors, si on vous demande en réunion : « C’est quoi ton input ? », c’est plus qu’un avis qu’on attend de vous, mais une véritable contribution au système, un apport susceptible d’être saisi.

Faut parfois y aller mollo sur l’input.

Résultat : parler d’input permet de donner modernité et sentiment d’efficacité à ses propos. Ainsi, après avoir dilué sa participation dans le capital de PSA, Robert Peugeot a assuré maintenir « un input fort sur la stratégie ». Comprendre qu’il sera moins présent mais pèsera tout autant. Petra Buderus, DRH de Stëftung Hëllef Doheem, une fondation d’aide à la personne, résume dans un entretien son rôle à « faire de l’input stratégique. » Elle précise que cela consiste à « agir comme facilitateur de déploiement organisationnel ». On n’est pas plus avancé sur le sens de l’input de Petra, mais diablement impressionné par sa maîtrise du sabir. Quant à la vidéaste Dominique Gonzales-Foerster, elle définit ainsi son rôle dans la mise en scène d’une star de l’électro (Miss Kittin) : « Disons que je fais un peu d’input artistique ». C’est de la fausse modestie : en réalité, c’est elle qui a tout fait. 

Avant, il fallait avoir « de la valeur ajoutée ». Aujourd’hui, il faut faire de l’input.  

Chronique parue dans Management, septembre 2014